PhiloCité | On a trouvé la sortie – Projet de PhiloCité et l’ESAVL pour Next Generation Please [Bozar]
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Publié par Philocité dans Exposition, Radio

On a trouvé la sortie – Projet de PhiloCité et l’ESAVL pour Next Generation Please [Bozar]

Paru dans Flux News n°78

Deux projets proposés par PhiloCité ont été choisis comme partenaires par Bozar parmi les 13 projets sélectionnés cette saison 2018-219 pour la 3ème édition de Next generation please. « On a trouvé la sortie » est le nom de la performance tirée du projet que Guillaume Damit a mené en collaboration avec Sophie Vangor, de l’École Supérieure des Arts de la Ville de Liège et Jessica Borotto, doctorante en philosophie à l’ULiège.

Ce projet donnera vie à deux heureux événements radiophoniques : une BAPh sous forme de correspondance radiophonique entre un groupe d’étudiants de l’Ecole Supérieure des Arts de la Ville de Liège et de l’Universite de Saint-Étienne (FR), sur le thème « Révolution: donner/prendre/faire corps » ; et une BIPh à partir d’un texte de Foucault qui interroge le rapport au corps, avec la philosophe Jessica Borroto. Très prochainement à écouter sur 48Fm puis à podcaster sur mixcloud.

Sous la plume de Judith Kazmierczak, la revue d’art contemporain Flux News propose en son nouveau numéro, le 78,  un article détaillant la participation de l’ÉSAVL-ARBAL. L’article est intitulé J’ai un truc à dire et je vais le dire avec ma peau !.

« J’ai un truc à dire
et je vais le dire avec ma peau ! »

« BOZAR a entamé sa 3e édition “Next Generation Please !” réunissant des jeunes, des artistes et des responsables politiques pour réfléchir à des questions politiques en lien avec l’histoire européenne actuelle. Cette année, outre les conférences, débats et performances à venir, 12 projets ont été sélectionnés sur différents thèmes qui sont en cours d’exploration avant d’être exposés et partagés en mai 2019. Pour en citer quelques uns, il y a l’Atheneum Brussel redéfinissant la liberté dont le concept de liberté d’expression avec l’artiste Dirk Hendrikks et deux philosophes Steven Raemen et Gideon Hakker. Des élèves du COOVI Anderlecht, abordent l’égalité des genres avec la chorégraphe, danseuse Yentl de Werdt et le philosophe Jan Knops. L’école Thomas More Kempen d’Anvers réfléchit sur le professeur idéal de notre société européenne. Le film “Recognition” de Lyse Ishimwe Nsengiyumwa se penche sur l’amour comme acte de résistance et instrument politique avec un groupe de jeunes et des créateurs africains. Le chorégraphe roumain Cosmin Manolescu avec son concept de “corps émotif” observe les problèmes actuels de l’Europe fragmentée avec des jeunes belges et roumains. Place des paysages dans la ville, place des femmes questionnant la société sur les réseaux, échanges d’idées sonores, parcours de migrants et l’ensemble de tous les projets sont sur le site de Bozar. Pour Liège, PhiloCité a conçu trois initiatives : le centre des jeunes “la Baraka” avec la réalisatrice Catherine Lévêque et le krumper (1) Patride Kanyinda réfléchissent à un projet multidisciplinaire axé sur le corps et la révolution pour exprimer leurs droits. Des étudiants de l’école HELMo encadrés par Véronica Cremasco, ingénieure-architecte, redéfinissent le rôle du travailleur socio-culturel. Et un groupe d’étudiants de l’école supérieure des Arts de la Ville de Liège encadrés par l’artiste Sofie Vangor développe un projet ayant pour thèmes la contestation et la révolution avec le médium privilégié de l’artiste, l’image imprimée et plus particulièrement sa pratique du tatouage éphémère.
Sofie Vangor raconte comment ce projet est né, suite à l’invitation par Guillaume Damit, philosophe praticien de PhiloCité, de participer au projet BOZAR, Next Generation Please ! “J’ai voulu moi-même constituer le groupe de jeunes. J’ai alors lancé un appel auprès d’étudiants de l’ÉSAVL-ARBAL qui connaissaient ma pratique et qui m’ont eu comme professeur à un moment donné de leur cursus de formation. Mais dans ce projet, les étudiants ne me voient plus comme un prof mais comme une artiste plasticienne et moi je ne les vois plus comme étudiants mais comme des jeunes passionnés par l’art. Une fois le groupe constitué, le premier atelier a commencé aux alentours de la Toussaint car chaque worshop doit se profiler en dehors des temps scolaires. Oui, je me souviens : on a commencé le jour des morts” (rires). Pour ce premier atelier de deux jours, le groupe a réfléchi les thèmes de la contestation et de la révolution, thèmes choisis par Sofie Vangor parmi tous ceux proposés par BOZAR. Pour ce faire, Jessica Borroto, philosophe et Alix Nyssen, historienne de l’art, toutes deux intéressées par l’usage du corps dans l’art, sont venues présenter leurs éclairages aux jeunes afin que ceux-ci puissent nourrir leurs propres réflexions et échanger ensemble. Un texte de Michel Foucault sur le corps utopique a été analysé. Un autre article paru en 1988 sur une pratique d’affiches et de slogans créés par des étudiants des Beaux-Arts de Paris en 1968, sous la houlette du plasticien Gérard Fromanger (2), a aussi été un moteur d’émulation de ces jeunes de 2018. Une manière pour eux de s’identifier au mouvement de mai 68 et de se projeter dans un rôle d’acteurs à part entière dans cette entreprise artistique porteuse de sens. Cette notion de sens est en effet primordiale pour Sofie Vangor. Tant dans sa pratique personnelle que dans le geste avec ce groupe des jeunes, prime la nécessité de créer sous l’impulsion d’un besoin et non par commande. Toutes ses œuvres sont effectivement nées d’une urgence à décliner des événements autobiographique, sources vives de son expression plastique. Depuis toujours, l’art lui colle à la peau et aux tripes. Dès lors son rapport à la matière est plus que signifiant ! Et cela elle le transmet au jeune collectif qui s’empare du projet pour BOZAR. C’est qu’ils auront à s’investir corporellement ces jeunes ! Maxime Gillot, un des dix participants, étudiant de second master de BD témoigne combien cela représente un défi pour lui que cet engagement. Le voilà à sortir de sa zone de confort, de sa zone de dessinateur installé dans sa bulle de création derrière sa table à dessins. Il vit ce trouble de l’excitation du projet et de l’anxiété de comment cela va se passer au final, le jour de la présentation où il sera question non seulement de présenter des créations d’affiches mais aussi de se présenter en tant que corps résistant s’affichant. Corps emblème, marqué de son discours à l’encre noire en tatouage choral. Et comme le proclame le texte de Foucault, non seulement le corps humain est l’acteur principal de toutes les utopies mais dans l’acte de se masquer, de se maquiller, de se tatouer le corps entre en communication avec des pouvoirs secrets, des forces invisibles. C’est donc à une forme de rite sacré que Sofie Vangor convie son petit monde. Il s’agira non seulement d’exprimer une idée en lien avec sa propre histoire et le thème de la contestation mais aussi de l’incarner. “J’ai un truc à dire et je vais le dire avec ma peau” leur propose Sofie Vangor. Cela suppose une prise de risque. Cela suppose un dépassement de soi. 

À ces jeunes qui peuvent se sentir frustrés dans la société actuelle, Sofie Vangor offre l’opportunité de se dire en tant qu’artistes ayant des positions politiques à revendiquer. Le groupe a d’ailleurs trouvé son slogan phare : “Trouvons la sortie !” qui sera le titre de leur future performance. Car si dans la rue, les gilets jaunes sont actuellement présents ; sur les affiches et sur la peau, le noir et blanc sera brandi en mai 2019. L’archétype du poing levé est effectivement exploité. Et Maxime Gillot de me montrer un de ses dessins représentant une variation du poing contestataire, retenu par le groupe. Les jeunes artistes fonctionnent en effet par productions en workshops mais aussi à domicile. Chacun ramène ses travaux qu’il propose aux autres membres du groupe qui élisent les dessins à conserver. “Le médium est super libre” raconte Maxime Gillot. “Je me sens messager dans ce projet, messager d’une idée concrète à transmettre. Avec Jessica Borroto, on a parlé du corps dans l’œuvre, du corps assimilé à une puissance d’agir, selon l’américaine Judith Butler (3) qui s’oppose à Simone de Beauvoir parlant de corps silencieux. Personnellement, je ne porte aucun tatouage, qui dans l’absolu est un médium personnel pour rendre le corps expressif. Via le tatouage éphémère proposé par Sofie Vangor, j’ai envie de dire aux gens que tout le monde peut se réapproprier du pouvoir et changer l’Europe, le monde politique actuel. Et pour cela il faut repenser collectivement la démocratie… Avec le groupe, nous conjuguons nos efforts et nos idées. Nous découvrons de nouvelles techniques, nous creusons la gomme, nous discutons et réfléchissons ensemble. » (Judith Kazmierczak, Flux News, 2019).

(1) Danseur de Krump, mouvement de danse né fin des années 90 dans les ghettos de Los Angeles représentant des battles visant à dépasser les violences subies
(2) Laurent Gervereau, 1988, “Matériaux pour l’histoire de notre temps”, L’atelier populaire de l’ex-école des Beaux- Arts. Entretien avec Gérard Fromanger, pp. 184-191
(3) Judith Butler, philosophe, enseignante à l’Université de Berkeley, “Ces corps qui comptent”, 1993