PhiloCité | Le répondeur (nouvel appel)
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Publié par Philocité dans Exercices interactifs, Radio

Le répondeur (nouvel appel)

Vous le savez peut-être (tout le monde en parle), la Brigade d’Intervention Philosophique a fait l’acquisition d’un nouveau joujou ultramoderne: un répondeur téléphonique!

Un grand merci aux premiers contributeurs qui ont participé à notre formule test! On prolonge une nouvelle fois : laissez un message, en répondant à la proposition de la Centrale philosophique de prendre le contrepied de la tendance habituelle du partage de lecture en imposant à cette pratique des consignes spéciales.

Dans ce message, nous vous demandons de nous parler d’un texte (dont vous pouvez lire un court extrait) qui vous a forcés à penser autrement, à voir les choses différemment. Pour en parler, nous vous demandons de répondre à ces questions:

1) Quelle est l’idée qui m’a forcé à penser autrement, à voir les choses différemment ?

2) En quoi elle m’a frappé : qu’est-ce qu’elle a remis en question, c’est-à-dire sinon fait apparaître comme faux, en tout cas mis en crise, relativisé, dans ma façon de penser jusqu’alors ?

3) Cela a-t-il eu un effet durable sur moi ? Deux volets à cette question si vous ne savez pas trop par quel bout la prendre : A) L’illumination n’a-t-elle duré que le temps d’un éclair ou bien a-t-elle durablement éclairé mon expérience/existence ? B) Quel effet sur ma vie (si ça n’a duré que le temps d’un éclair, décrivez l’émotion ressentie) ?

Durée du message: 3 minutes maximum.

Numéro de téléphone (au prix d’un appel local): 04/378.59.18

Délai: nous clôturerons cet appel à participation le 31 octobre 2020.

Les différentes contributions seront ensuite montées et diffusées sur 48FM.

On vous en dit plus sur les enjeux de l’exercice ci-dessous:

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« Répondeur : pour une démocratisation du partage de lectures. »

Notre répondeur vise à vous permettre de partager une lecture de votre choix avec les auditeurs, comme quand vous recommandez à un ami un livre que vous avez lu. Durant le confinement, on a vu cette pratique, qui existait largement mais à l’état confidentiel et spontané, connaître un début d’extension et d’organisation en se répandant sur les réseaux sociaux, les listes d’adresses mail, etc. Phénomène intéressant dans la mesure où il dénote la démocratisation au moins potentielle d’une activité intellectuelle habituellement réservée aux « critiques » : tendanciellement, c’est postuler que n’importe qui est capable de rendre compte de ce qu’il a lu et d’en communiquer l’intérêt à n’importe qui. Pas besoin de « compétences » ; on ne se fera pas prescrire notre « livre de l’été » par un journaliste de Télérama, ou le « film de l’année » par le magazine des Grignoux. N’importe qui fera mieux l’affaire. Sauf que tout le monde n’est pas n’importe qui. Ce n’est pas parce que tout le monde se met à faire ce qui était réservé à une élite que cette pratique se démocratise. Massification n’est pas automatiquement démocratisation, loin de là. C’est difficile pour tout le monde de devenir n’importe qui. Comme simple extension, la massification d’une affaire de spécialiste a les meilleures chances de ne produire que le monstre intenable d’une élite généralisée, c’est-à-dire de faire de chacun de nous un pseudo-spécialiste pompeux, forcément frustré puisque pas plus spécialiste que les autres, et d’autant plus pompeux. Nous ne mentionnons pas ce risque abstraitement, mais à la suite d’un constat fait quant à la tendance dominante des « partages de lectures » existants. Cette tendance, c’est la complaisance. On partage une lecture parce que, d’une manière ou d’une autre, elle conforte ce qu’on pensait déjà. L’immense majorité du temps, c’est ce critère narcissique qui est le principe décomplexé de la critique actuelle, principe exprimé de la façon la plus éhontée par le « on n’aime »/ « on n’aime pas », ou un nombre d’étoiles, ou une note, etc. La critique juge au lieu d’évaluer, c’est-à-dire que les valeurs dont le critique a hérité ne sont pas sont pas remises en question par l’œuvre dont il rend compte. Pour que la massification devienne démocratisation, il ne faut pas que chacun de nous se fantasme compétent, mais que chacun de nous apprenne à devenir incompétent. Que tout le monde devienne n’importe qui. Pour ce faire, notre répondeur propose de prendre le contrepied de la tendance habituelle du partage de lecture en imposant à cette pratique des consignes spéciales. Il s’agit de partager, non pas ce que vous avez « aimé » ou « pas aimé » (dans les deux cas vos croyances antérieures ont été confortées : la lecture les a laissées en position de juge de ce que vous avez lu), mais ce qui vous a forcé à penser autrement, à remettre en question votre façon de voir les choses (ne fût-ce qu’un instant, le temps d’un éclair, d’une entrevision, qui n’a peut-être pas porté ses fruits). A l’opposé de l’alternative aimé/ pas aimé comme d’une note qui prétend nuancer, l’affect qui vous servira de critère est donc toujours à la fois très positif et très négatif : il vous fait apparaître ce que vous découvrez comme vrai, mais aussi, du même coup, tout ce que vous croyiez jusqu’ici comme faux. Vous avez éprouvé la joie d’une révélation – fût-ce sous la forme d’un obscur pressentiment – mais aussi et même avant tout la déception d’une relativisation, d’une dévaluation de la manière de penser qui était la vôtre jusqu’alors : « c’est dingue, j’avais tout faux ! ».